Marie-Luce Nadal – 2017

« Mes travaux se conçoivent comme autant de propositions jouant de l’ambivalence des principes d’immanence et de disparition. Les questions de changement climatique ont valeur de support pour chacune de mes recherches, et l’atmosphère est le point de départ d’une rêverie esthétique qui envisage notre rapport à la nature. J’ envisage ce concept, l’atmosphère, comme une structure spatiale de référence assurant une forme d’immunité à tout être humain et exerçant sur lui réciproquement une action. Formées de substances diffuses, les atmosphères sont d’échelles et de consistances variables et leurs structures se modifient au cours du temps. De même, les limites et contours d’une atmosphère sont difficilement saisissables. Pourtant la qualité de sa composition influe sur les individus qui y évoluent. Ma these, tout comme ma pratique s’inspire des processus scientifiques que j’ai pu observer en laboratoire et dont j’ai détourné les usages au profit de la métaphore, de la poésie ou encore de l’enquête épistémologique. Je travaille sur la notion de contrôle et je m’attache à capturer et cultiver les substances qui forment l’atmosphère, qu’elles soient physiques ou al-chimiques.

Chaque production est une nouvelle expérimentation pour tenter de comprendre d’une façon sensible notre rapport à l’atmosphère. Les Apparences du hasard (2012) est la mise en exergue des effets d’éléments naturels et météorologiques sur un lieu, par des installations. La Fabrique du vaporeux (Palais de Tokyo, 2015) est un laboratoire portatif duquel sont extraites des essences de nuages et d’orages provenant de différents endroits du monde. La Grâce et la Nature, montrée cette année dans l’exposition « le Parfait Flâneur » à Lyon et initiée avec l’Institut Curie (EpiGeneSys) est une expérience de maîtrise d’une population de mouches dans un système clos. L’un des objectifs de cette domestication d’insectes réputés sauvages est de mettre en évidence la volonté – abusive — et la possibilité – éventuelle – d’un contrôle absolu du monde.

Mais dans quelles mesures, à partir de ces expérimentations esthétiques effleurant l’atmosphère, est il possible de capter et restituer la fragilité et la consistance de celle-ci? Saisie de la météorologie d’un instant (Palais de Tokyo, 2015) tente d’en retranscrire le spectre. Cette capture de captures est un protocole (ou rituel) visant à restituer chaque expérience exposée sous une forme tangible qui ne se réduise pas à un enregistrement visuel (photographie ou vidéographie) ou sonore (enregistrement audio) et ne relève pas de la retranscription verbale (sondage ou récit). L’expérience – autrement narrative – d’un instant, se présente sous la forme de plaques chromatiques chimiquement révélées, appelées atmogrammes, qui restituent l’atmosphère cénesthésique : autrement dit les matières et substances impalpables mais pourtant présentes qui constituent une atmosphère sensible. »